Projet Reproduction - Projet Réserve
I) POURQUOI LE GUÉPARD
A - Eléments de biologie
Pesant de 30 à 50 kilos, le guépard est le
champion de la vitesse sur terre avec des pointes à 110 km/heure
sur 200 ou 300 mètres. Les mâles peuvent former des
coalitions de 2 ou 3 individus, souvent des frères, alors que
les femelles sont solitaires.
Les guépards se nourrissent de petites antilopes (gazelle
de Thompson, impala, springbok, …), mais dans certaines
régions, environ 50% de leurs proies sont dévorées
par les lions, hyènes et d’autres prédateurs plus
puissants qui chassent le guépard avant que celui-ci n'ai pu
ingérer son repas.
Après une gestation de 3 mois, la femelle met bas de 2
à 6 petits qui demeurent un an et demi avec leur mère, et
dont seulement 5 à 10% seulement vivent jusqu’à
l’âge de la reproduction.
La reproduction et la survie des jeunes, tant en
captivité que dans la nature, présentent de nombreuses
particularités qui font du guépard une espèce
fragile dont les effectifs ne se reconstituent pas facilement.
- Les observations comportementales
Les
signes principaux de chaleurs chez les femelles observées en captivité
incluent des frottements contre les clôtures ou les barrières
les séparant des mâles, des roulades et un port de la
queue relevé sur le côté. De nombreux autres
comportements ont également été décrits.
Les plus courants sont le reniflement de tous les objets
présents, des sons mélangeant miaulements et
gazouillements et le marquage urinaire. Dans la nature, il est
hélas quasiment impossible par de simples observations
comportementales de repérer qu’une femelle guépard
est en chaleurs.
- Les frottis vaginaux
Comme chez la
chienne et la chatte, la récupération et la coloration de
cellules vaginales à différents stades du cycle oestral
permet d’apprécier l’imprégnation
oestrogénique et donc de confirmer la présence de
chaleurs. L’inconvénient majeur chez ces espèces
sauvages est qu’il est très souvent nécessaire de
procéder à une anesthésie avant de prélever
ces cellules.
- Les dosages hormonaux
À partir
des dosages d’œstrogènes et de progestérone,
on peut établir les profils hormonaux correspondant à
chaque période du cycle, et donc estimer l’apparition des
chaleurs suivantes ou savoir si une femelle est cyclée ou si
elle a ovulé. Pour cela, deux méthodes principales ont
été étudiées: d’une part le dosage
des hormones dans le sang et d’autre part le dosage des hormones
dans les fèces ou dans l’urine. L’urine et les
fèces étant des voies d’excrétion naturelle
des oestrogènes et de la progestérone, cette
méthode permet de déterminer le statut reproducteur sans
immobiliser les animaux. Néanmoins, elle nécessite de
pouvoir récupérer ces excréments (animal
enfermé par une clôture) et une technicité
importante (laboratoires de dosages hormonaux
spécialisés…).
- La laparoscopie
Les méthodes plus
directes par visualisation des modifications ovariennes lors des
chaleurs et de l’ovulation peuvent être également
appliquées. La laparoscopie, technique chirurgicale peu
invasive, suivant ou non un traitement hormonal visant à
provoquer l’ovulation, est utilisée en captivité
pour visualiser les modifications structurales des ovaires. Cette
technique est utilisée indifféremment chez la lionne et
chez la guéparde, on dispose cependant de plus de données
et d’images pour la guéparde. Dans la nature, cette
méthode chirurgicale est inapplicable,.
- L’échographie des ovaires
C’est
un moyen de suivi des chaleurs et de l’ovulation utilisé
chez les petits carnivores domestiques (chien, chat). Cette technique
est aujourd’hui utilisée essentiellement pour quelques
espèces particulières d’animaux sauvages comme
l’éléphant et le rhinocéros pour
l’évaluation du cycle sexuel, la collection de semence, et
dans certains cas d’insémination artificielle, de
transfert d’embryon ou encore de contraception. On ne dispose pas
encore de données précises sur son utilisation chez les
félins. Aussi, le CRESAM se consacre à mieux
préciser l’intérêt de cette technique.
B - Sa raréfaction en Afrique
La population disséminée est estimée
entre 9 000 et 12 000. Une espèce de mammifère qui se
compte seulement en milliers sur un territoire aussi grand est
fortement menacée (liste rouge de l’UICN). Le risque
d'extinction est donc élevé, d'autant plus que cette
population est fragmentée sans, le plus souvent, de
possibilité de reconstitution.
<Image>
Seize pays ont vu disparaître le guépard
durant les 60 dernières années.
Les chiffres suivants concernant les populations de guépards
proviennent de plusieurs sources (www.cheetah.co.za/news_global.htm,
Laurie Marker, Paula Gros), et comportent une marge d'incertitude
certaine. :
- Afrique du Sud :
Historiquement le guépard occupait l'ensemble de l'Afrique du
Sud, mais avec le développement économique du pays, les
prédateurs ont été repoussés vers des zones
marginales et souvent éliminés hors des espaces
protégés.
Probablement 500-600 individus subsistent dans ce pays, mais les
populations sont en nette régression : 250/300 étaient
mentionnés sur la plaquette du parc national Kruger en 1995, 70
maintenant selon les mêmes sources,
150 dans le Kalahari
- Gemsbok : 50 dans la réserve du Pilanesberg et le reste dans les zones adjacentes à ces parcs
- Namibie : 2500-4000 (95% sont localisés sur le territoire de fermes d'élevage de bétail)
- Zimbabwe : 850 dont 80% sur des fermes de bétail extensives
- Kenya : environ 1000
- Botswana : 1000 à 2000
- Tanzanie : environ 1000
- Malawi : quasiment disparu
C - Les causes de régressions de l’espèce
Elles découlent de facteurs environnementaux mais aussi principalement de facteurs biologiques :
Facteurs environnementaux liés aux activités humaines
- Réduction de l'habitat du guépard et fragmentation des populations
.
- Piégeage et destruction volontaire par les fermiers
.
Si ces facteurs sont importants, ils semblent être
insuffisants pour expliquer la régression des guépards
dans des territoires protégés comme le parc du Kruger
où leurs populations ont diminué de 2/3 en 10 ans.
Facteurs biologiques
- Spécialisation alimentaire importante.
-
Compétition alimentaire, les guépards se faisant voler
leurs proies par les lions et les hyènes dans des espaces
où la densité des autres prédateurs peut augmenter
au détriment de celle des guépards
.
- Vulnérabilité des guépardeaux souvent tués par les lions et les hyènes
.
- Reproduction difficile ou mal comprise (mauvaise
qualité du sperme avec 70% de spermatozoïdes anormaux,
chaleurs peu marquées, facteurs complexes de choix du ou des
mâles par la femelle etc).
II) LE RÔLE DU CRESAM
Les projets de conservation existants se sont
attachés à protéger l'habitat et à limiter
l'incidence de la destruction des guépards par les fermiers, ceci par
la sensibilisation des habitants et la capture des animaux à
problèmes. Le CRESAM désire travailler plus
particulièrement sur les facteurs biologiques.
A - La reproduction assistée au secours du Guépard
En Afrique du Sud, le morcellement du
territoire (réserves cloisonnées) handicape la rencontre
naturelle des individus. Le déplacement des guépards est
difficile (autorisations très longues à obtenir). Un
petit nombre de portées de guépards nés
naturellement ont vu le jour en captivité, Sur les 241
structures zoologiques hébergeant des guépards dans le
monde, seulement 15 ont eu des portées de guépards en
2002 (Marker & al 2004).
Le plan d'action de l'UICN pour les félidés (Status
survey and Conservation Action Plan IUCN/SSC Cat Specialist Group) qui
fait autorité préconise de travailler sur le sujet de la
reproduction assistée des félidés comme une voie
de recherche prometteuse.
Les méthodes du CRESAM permettront d'inséminer des
femelles sauvages, qui poursuivront ensuite leur vie normale, dans leur
environnement naturel et élèveront leurs petits en leur
apprenant les bases des comportements sauvages et naturels de
l’espèce. Ces petits, une fois adultes et parfaitement
autonomes pourront ensuite être déplacés dans des
territoires dépourvus de ces félidés.
La maîtrise de l'insémination artificielle permet,
en choisissant les reproducteurs, de favoriser la variabilité
génétique, et ceci entre des animaux parfois très
éloignés spatialement. La semence de guépards
détenus en parcs zoologiques en Europe pourrait ainsi être
utilisée pour inséminer des femelles sauvages.
Dans le cadre de populations de guépards très
réduites, comme le guépard d'Iran ou le guépard du
Sahara, après avoir favorisé l'amélioration des
facteurs environnementaux, l'insémination artificielle pourrait
être le dernier palliatif avant l'extinction de ces
sous-espèces.
B - L’alimentation d’une banque génétique
L’objectif est d’établir les
empreintes génétiques (carte d’identité) des
guépards étudiés afin d’en optimiser la
reproduction :
- En accouplant les couples avec la plus forte
hétérogénéité
génétique possible (le mâle et la femelle
étant distants génétiquement)
.
- Permettant par un brassage génétique des
populations (et sous populations) de minimiser les effets
délétères de la consanguinité.
III) L'AIDE À LA REPRODUCTION DU GUÉPARD : UNE PRIORITÉ DU CRESAM
La reproduction constitue un des axes directeurs et une des
raisons d’être du CRESAM. C’est pourquoi la
commission scientifique a développé dans cette discipline
une approche la plus méthodique possible :
- Coordination d’une étude bibliographique
complète afin de préciser les études
antérieures effectuées chez le guépard.
- Réalisation de missions successives sur le terrain suivant un protocole précis,.
- Contact avec d’autres équipes spécialisées dans la reproduction de la faune sauvage.
A -
Première nécessité pour favoriser la reproduction
: les femelles guépard doivent être cyclées et en
chaleur
L’échographie des ovaires :
c’est un moyen de suivi des chaleurs et de l’ovulation
utilisé chez les petit carnivores domestiques (chien, chat).
Cette technique est aujourd’hui utilisée essentiellement
pour quelques espèces particulières d’animaux
sauvages comme l’éléphant et le rhinocéros
pour l’évaluation du cycle sexuel, la collection de
semence, et dans certains cas d’insémination artificielle,
de transfert d’embryon ou encore de contraception. On ne dispose
pas encore de données précises sur son utilisation chez
le guépard. Aussi, le CRESAM a-t-il cherché à
mieux préciser l’intérêt de cette technique.
Une solution : l’induction hormonale des chaleurs et de l’ovulation. De
nombreux protocoles ont été tentés chez la femelle
guépard associant des analogues des hormones naturelles
hypophysaires (gonadotrophines), destinés à provoquer dans
un premier temps la maturation des follicules ovariens puis
l’ovulation. En 2009, de nouvelles perspectives sont offertes grâce à l’utilisation de nouvelles formulations.
B - Deuxième nécessité : disposer d’une semence de bonne qualité
Récolte et examen de la semence chez le guépard mâle.
Les techniques de récolte :
L’électroéjaculation est de loin la technique la
plus utilisée et la plus adaptée aux espèces
sauvages. Cette technique consiste en la stimulation (sonde rectale
munies d’électrodes de stimulation) des nerfs qui desservent
les organes reproducteurs par la délivrance d’un courant
électrique de très faible intensité.
L’animal
est anesthésié donc aisément manipulable.
Grâce aux nombreux essais effectués chez le chat
domestique, chez qui cette méthode est couramment
utilisée, on sait qu’aucune séquelle n’existe
au réveil et aucun accident n’a été
décrit dans la littérature. La technique est donc
indolore et respecte le bien-être des animaux.
L’anesthésie reste néanmoins un facteur limitant
car elle doit être pratiquée pour chaque
prélèvement.
Depuis 2009, les efforts du CRESAM se concentrent aussi sur une
optimisation de la conservation du sperme de guépard ; mise au
point de milieux de conservation (diluants pour sperme) pour félidés,
plus adaptés à leurs besoins spécifiques. On peut espérer une mise au
point, au cours de l’année 2011, d’un diluant permettant une
conservation de la semence (congelée), alimentant ainsi une banque
génétique.
C - La solution lorsque la
rencontre entre les mâles et les femelles est impossible :
l’Insémination artificielle
La
voie d’insémination de la semence la plus accessible et la
moins invasive semble être à première vue la voie
intra-vaginale. C’est pourquoi des essais ont été,
dans un premier temps, réalisés par cette voie. Or de
nombreuses tentatives réalisées chez le guépard
se sont révélées être toutes des
échecs (absence de gestation).
Pour éviter cet écueil, des techniques
d’insémination artificielle par voie intra-utérine
ont été développées. Celles-ci consistent
le plus souvent en un dépôt de sperme dans la corne
utérine par voie chirurgicale (laparotomie ou laparoscopie). Le
dépôt doit avoir lieu le plus près possible du site
de fertilisation, c’est à dire le sommet des cornes
utérines. Les résultats de ces techniques sont plus
satisfaisants que ceux obtenus par voie intra-vaginale. Mais ces
techniques chirurgicales sont difficilement réalisables en
brousse, peu répétitives et beaucoup trop invasives (cf
mission novembre 2004)
.
En
2007, le CRESAM a mis au point la technique d’insémination
intra-utérine par les voies naturelles (vaginale) : la
vidéo-vaginoscopie. Cette technique, à l’instar de ce qui est réalisé
en routine chez la chienne, permet dans un temps bref d’amener la
semence au plus près des ovules sans traumatisme. La technique s’est
montrée réalisable chez le guépard mais aussi dans de nombreuses autres
espèces de félidés sauvages menacés.
Cette technique a été
présentée au "Congrès mondial de la faune sauvage" à Oxford en 2008 et
au "Congrès mondial de reproduction' à Vienne en 2009.
En
2008 et 2009, deux missions ont permis la mise en pratique de cette
technique sur le terrain en Afrique dans les conditions naturelles.